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Ne nous méprenons pas ; ils n’avaient pas voulu mourir ces 42 français de confession juive assassinés par le Hamas en octobre dernier, dont une majorité de jeunes filles et de jeunes hommes dont les portraits ont été introduits dans la cour des Invalides ce matin. J’étais téléspectateur ému et ces mots me sont venus spontanément en regardant leurs visages souriants et même rieurs, en écoutant le Kaddish mis en musique par Ravel, avec un violon et un piano. J’ai communié avec leurs familles venues pour la plupart d’Israël la veille, regardant ces trois sièges vides de disparus, otages probables. J’ai apprécié le texte lu par le président de la République, émouvant également, très juste dans son contenu. Non ils ne voulaient pas mourir mais vivre, rire et chanter, danser. La beauté de leur mort, c’est nous qui la mettons en scène, pour ne pas les oublier, pour appeler à la paix de part et d’autre et le plus tôt possible !

C’est avec un brin de nostalgie que j’ai regardé la façade interne des Invalides, et à l’étage, tout au bout à droite, le balcon d’où pendant une petite année je pouvais regarder l’esplanade. Dans mon bureau, un peu au fond, nous comptions les tués de la guerre d’Algérie qui, eux non plus, ne voulaient pas mourir. Hier, aujourd’hui, à Tel Aviv, à Gaza, à Djelfa et à Tizi-Ouzou, ils disent non à la mort, oui à la paix et à la vie… et je pleure.

Comment la Tous-Saints a-t-elle été en définitive la fête des morts ? Il y a beaucoup d’explications, comme par exemple la christianisation de fêtes païennes célébrant les morts, ou, plus prosaïquement le fait que la toussaint, jour férié (supprimé par la Révolution et rétabli par Napoléon) permettait de conjuguer les deux faces de la mort : les Saints au ciel (à l’origine les martyrs) et le même jour les morts de la famille sous terre.

Aujourd’hui, on ne peut que penser à ces millions de morts dans un conflit qui se déroule sur la terre des origines du christianisme, et des origines des religions monothéistes qui sont issues de la même origine : d’un certain Abraham. Certaines de ces religions baptisent « martyrs » ceux qui meurent au nom d’un Dieu qui devrait être le même mais qui en font dans la réalité des dieux en guerre entre eux !

Pleurons, pleurons, c’est hélas légitime. Laissons les martyrs à leur passé, et les autres sous les terres qui les fabriquent. Il n’y a pas de ciel pour les accueillir, sinon ça se saurait et ils feraient la fête là-haut. Ils nous laissent aujourd’hui, ce matin et ce soir pleurer sur leurs tombes. On a coutume de dire « Qu’ils reposent en paix », si c’était vrai !

Mais où ? Mais quand ?

Comme bien d’autres je suis épouvanté par les derniers évènements entre le Hamas et Israël. Le moment est venu pour moi de faire le point ou un bilan personnel dans ce monde de folie barbare.

Dans mon enfance, les catholiques m’apprenaient la haine des juifs au nom de Dieu : ils avaient tué le fils de Dieu, (d’où le qualificatif de déicides) et à chaque fête de Pâques on priait pour les juifs « perfides » dont l’issue historique n’était évidemment que la conversion.

Puis dans ma maturité, la République française m’a expliqué que je devais aller combattre les arabes révoltés d’Algérie haïssables parce que criminels.

Mais dans le fond on chante encore en ouverture des matches de football « aux armes citoyens, qu’un sang impur abreuve nos sillons… », et on désigne ainsi tout aussi bien l’équipe adverse que les juifs ou les arabes, pourquoi pas. Ça n’est qu’une incantation, les armes ne dépassent pas les boîtes de Coca, mais tout de même.

Ca n’est pas nouveau, mais l’apprentissage de la haine fait toujours recette – et victimes.

J’ai donc après avoir prié pour les juifs perfides et tenté de pacifier les arabes rebelles, milité dans ma maturité pour les droits des palestiniens à avoir une patrie, sans pour autant dénier aux juifs le même droit à vivre chez eux et à se protéger.

C’est pourquoi je hais l’incitation à la barbarie ; je hais la haine !

Et Dieu dans tout ça ? dirait le comique ! Il a le tort d’être partout et de forcer les uns et les autres à se haïr. Alors, zut (pour être poli) qu’il reste chez lui et pense à autre chose, comme par exemple lire les évangiles de son fils – ils sont traduits dans toutes les langues. Ils disent quelque chose comme « aimez-vous ». Ça devrait lui être utile ; à nous aussi.

L’inévitable BHL ces jours-ci, nous annonce sa superproduction cinématographique, « Slava Ukraini » à son retour d’Ukraine, sur les fronts de la guerre avec la Russie. Il nous dit qu’il va nous montrer une salle de torture avec encore du sang sur le sol.

En même temps, la vice-présidente américaine Kamala Harris, dénonce des « crimes contre l’humanité » commis par la Russie, et devance des tribunaux internationaux à venir pour juger les coupables et leurs chefs.

Nul doute que l’armée russe et ses mercenaires pratiquent la torture dans ce qui n’est pas censé être une guerre mais une « opération spéciale » selon Poutine. Nul doute qu’ils commettent des crimes contre l’humanité en exécutant par exemple des civils, en violant des femmes etc.

Mais quelque chose me choque dans ce concert de bonne conscience. Au risque de me faire traîner aux Gémonies, je le dis tout cru : faudrait pas oublier mesdames, messieurs, d’où vous venez, d’où nous venons !

Quelques exemples vécus : Une salle de torture, du sang, je peux (j’aurais pu) vous emmener à la lisière de Djelfa et du désert rocheux dans une maison isolée où le sang des algériens a coulé sous la torture française. Je l’ai visitée cette maison entre la fin de la guerre et l’indépendance (guerre qui n’était encore qu’une « opération de maintien de l’ordre »)…

Les américains, hérauts de la bonne conscience ? J’ai visité il y a plus de quarante ans avec ma femme et une association de personnes malvoyantes ou aveugles le Vietnam. Nous avions en particulier rencontré dans une maison de santé des victimes de « l’agent orange », ce défoliant versé sur le nord du Vietnam par millions de litres, entrainant blessures et morts (ajouté au napalm) et malformations congénitales pour les enfants, ainsi que cancers. N’y a-t-il pas ici de crimes de guerre ?

Dernier exemple : dans une institution de formation pour les prêtres, à Angoulême, alors que les allemands nazis avaient réquisitionné la majeure partie du séminaire, on parlait d’une salle où étaient pratiquées des tortures contre les résistants. Il paraît qu’on a vu longtemps après la guerre des traces de sang sur les murs. Cette salle était « à portée de voix » : combien de prêtres, d’évêques, ont protesté ?

Non ! Cessons de nous croire, nous, nobles démocrates occidentaux, les modèles du monde. Car c’est justement au niveau du monde, au niveau international qu’il faut agir : abolir la torture, les viols de guerre, les abus de pouvoir, les pouvoirs absolus, les religions prédatrices, les chasses aux sorcières et j’en passe… Nous l’avons déjà bien abîmé ce monde, sauvons ce qu’il en reste, il est encore temps !

Vous n’êtes pas passés à côté de cet évènement : mercredi 14 décembre 2022 nous (habitants du Monde, sur la planète Terre) avons battu des records. Je cite :

Selon Reporters sans frontières (RSF) dont c’était la journée – mais oui ! vous ne regardez pas la télévision ? – « le nombre de journalistes emprisonnés dans le monde a atteint un nouveau record en 2022 : ils sont 533, soit 45 de plus que l’an dernier (488), où l’on enregistrait déjà un record historique » !

Plus de la moitié d’entre eux le sont dans 5 pays : Chine, Birmanie, Iran, Vietnam, Biélorussie. Gagnant : la Chine avec 110 médias emprisonnés. L’Iran a rejoint le palmarès cette année.

Les femmes journalistes emprisonnées ont gagné par 15 % contre   moins de 7 % l’an passé.

80 % des journalistes tués l’ont été sciemment. On ne s’étonnera pas en apprenant que « la répression s’est fortement accrue en Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en février »…

J’ai une grande admiration pour ces journalistes qui risquent leur vie pour nous apporter les informations qui ne nous parviendraient pas sans elles et sans eux. Et tout particulièrement ces journalistes sous les bombes russes en Ukraine et autour…

Mais ne nous arrêtons pas en si bonne voie ; Encore un record, de France cette fois : chez nous, en 2021 (un petit retard) nos services de sécurité ont enregistré 208 000 victimes de violences par leur partenaire ou ex, soit + 21 % de plus qu’en 2020, en majorité des femmes (87 %).

Que faut-il crier ?