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Nostalgie


1er mai : quelque chose est mort à Paris

Je suis sorti ce matin avec mon chien Igloo en quête d’un brin de muguet. Je suis triste, triste à en pleurer ! je me souviens du temps – pas si lointain – où j’avais avec ma famille la joie d’aller dans les rues de mon quartier : dès potron-minet des enfants, des jeunes, des scouts, des écoles, des femmes Roms plutôt âgées s’installaient tant bien que mal sur les trottoirs de la rue Lecourbe (artère marchande du XV°) et vendaient des brins de la fleur du jour ramassés dans les bois autour de Paris, ou cultivés pour les plus aisés. La vente allait à telle association, à telle cause, dans telle poche (a)vide…

J’ai trouvé dans ce désert silencieux une fleuriste ouverte ; la vendeuse, charmante, se réveillait et ses prix étaient raisonnables. J’ai donc acheté quelques brins (de culture) et je suis rentré avec mon chien, tous les magasins étant fermé, ce qui est normal un 1er mai. C’est un rite pour moi depuis 5 ans, chaque premier mai, de poser un bouquet de muguet devant le portrait de Maudy et d’envoyer la photo à mes enfants et amis.

Mais ce grand vide de la rue Lecourbe, pas moins de 100 m entre deux humains ; ce silence total (à peine une voiture toutes les 5 minutes) ; et pas un seul vendeur de ma fleur sur le trottoir, quelle tristesse ! il est vrai que depuis deux ou trois jours, radio et télévision nous expliquaient que les petits vendeurs devaient respecter les règles et ne pas… ne pas… et pourquoi pas ?

 


01/05/2023
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Mémé

Je n’ai jamais fêté de grand-mère, ni maternelle, ni paternelle, pour la simple raison que ça n’existait pas « de mon temps ». C’est en 1987 que cette fête fut créée par le fondateur des cafés Monnier et de la marque… « Grand-Mère». Donc du tout commercial. (1987 est l’année de la mort de Dalida).

Nous l’appelions « Mémé », comme souvent à cette époque (années 40-50). Elle était née Jeanne Marceline Thérèse Tessier, le 6 juillet 1872. Mais elle nous est familière sous le prénom – ou surnom – de Rachel que lui avait attribué son mari, Raoul de son prénom (et le mien, en 3ème position). Finalement je préfère Rachel ! Elle a épousé Raoul le 23 juin 1908 à Rioux-Martin, au sud de la Charente, fief de la famille Tessier puisqu’on se mariait alors chez sa future femme. Le couple vint à un moment donné à Verteuil-sur-Charente, Raoul comme Régisseur du Château des La Rochefoucauld. Ils eurent deux filles, en 1909 et 1911, la seconde étant ma propre mère. Rachel fut veuve jeune, je pense à 46 ans. Raoul connut  la grande guerre puisqu’il mourut sans doute en 1918 mais pas de la guerre (du cœur). Il était recruté dans un régiment de Dragons paraît-il, pour l’amour de l’uniforme.

Ma mère s’étant séparée de mon père en 1947, Mémé eut un rôle prépondérant dans l’éducation des trois enfants, mes deux sœurs jumelles et moi. Ma mère avait pris la succession de son père comme Régisseure du château. Les deux femmes avaient connu la guerre, l’occupation de notre maison à deux reprises, sans compter celle du château dont les propriétaires avaient fui… en Suisse.

Mémé venait je crois d’une famille assez aisée mais avait adopté le milieu plus paysan de son mari. Elle aimait s’occuper de sa basse-cour, d’un petit potager. J’avoue qu’elle m’a appris à tuer un lapin, une poule… des massacres dont je me tirais avec moins d’élégance qu’elle.

Un souvenir plus plaisant : elle m’avait appris à écaler les œufs durs facilement en tapant l’œuf avec un couteau, ou sur le bord de l’évier, puis en le roulant entre les mains et… la coque s’enlevait très facilement. Croyez-moi si vous le voulez, mais chaque fois que je cuisine des œufs durs à 82 ans, je pense toujours à Mémé. Je la vois encore hors de la maison, dans un chemin dit « Des Douves » (au pied du château), couper des orties pour nourrir ses canards. On faisait beaucoup de conserves si je me souviens bien, d’autant plus que le potager du château nous était ouvert (salaire en espèces !) jusqu’à ce que la jeune châtelaine se mette en tête de vendre ses produits pour boucler ses fins de mois… enfin ! Comme disait la comtesse sa mère : « Mon choux, c’est toujours ceux qui n’en ont pas besoin qui gagnent au Loto ! »

La mort de Mémé m’a fait un grand chagrin. J’étais déjà pensionnaire, en 4ème je crois. Elle était venue me voir dans un précédant pensionnat, à Angoulême, en 7ème, et de la voir m’attendre un dimanche où nous revenions de la messe à la cathédrale, m’avait fait fondre en larmes.

Mémé est morte en 1953 « dans sa 81ème année » disait le faire-part. Je sais que cette expression m’avait beaucoup intrigué : elle avait 80 ans, mais pourquoi vouloir en rajouter ? La grippe – qu’on soignait mal encore – lui a enlevé le dernier souffle. On oxygénait les malades à l’aide d’un gros ballon qui rappelait un jouet qu’on dégonflait devant le visage.

J’ai eu le chagrin de ne pas pouvoir suivre le catafalque, tiré par un cheval jusqu’à l’église, à l’autre bout du village, parce que j’avais à ce moment une otite (fréquentes hélas) et la tête emmaillotée de pansements. C’était à la fin mars, Maman avait voulu me mettre sur les pansements une cagoule pour cacher les bandelettes de momie ! Quant à mes sœurs, elles étaient encore trop petites pour ces rituels.

Voilà pourquoi, malgré la marque de café, j’ai tenu « dans ma 83ème année », rendre hommage à Mémé.

J'oubliais : Mémé avait horreur d'être photographiée. Sur les photos de famille, il faut la chercher dans les marges, coupée par l'objectif, souvent la main devant le visage !

 


04/03/2023
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Une Chorba à El-Biar !

Aujourd’hui, 3 juillet, soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, il faut bien que je vous raconte un souvenir de ma vie « là-bas » !

 

Voilà, j’ai été débarqué du grand paquebot « Ville de Marseille » le 17 décembre 1961. J’ai découvert au réveil avec admiration la magnifique baie d’Alger, éclairée par les premiers rayons du soleil. J’allais dans l’inconnu, et d’abord dans la 10ème section d’infirmiers militaires, au pied de l’hôpital Maillot, et non loin du port. Séjour sans histoire, Noël approchait, nous avons eu la messe de minuit dans la grande chapelle, puis un repas de fête. J’avais été intrigué en arrivant par les grillages, protections anti-grenades, devant toutes les fenêtres, qui rappelaient la guerre. J’aimais aller sur la terrasse de Maillot regarder la baie côté ville.

Mon séjour s’est prolongé parce que j’avais été « oublié » ; j’étais en fait affecté à l’annexe de Maillot à El-Biar, un hôpital de rééducation fonctionnelle pour les blessés, essentiellement algériens, de l’armée française. On m’attendait à El-Biar, on m’avait oublié à Alger. Finalement j’ai été transféré, je ne me souviens pas quel jour, j’ai seulement la date du 21 décembre qui est la décision de M. le Commandant (oubliée dans un tiroir).

 

Bref j’arrive à El-Biar, banlieue d’Alger, sur les hauteurs. Première soirée, le réfectoire (je ne connais personne), des tables pour les soldats et une ou deux pour le personnel militaire musulman. Je cherche une place chez les métropolitains, rien et personne ne bouge. Je vois qu’il y a de la place chez les musulmans, je m’y installe, je ne vois pas d’inconvénient, eux non plus semble-t-il, mais c’est le silence complet, un peu gêné… Et on nous sert un menu local, différent des autres ; une « Chorba » ce soir-là. Evidemment je découvre ! c’est une soupe copieuse (viande, pâtes, légumes), bien relevée, que j’apprécie. Combien en ferai-je dans ma vie ultérieure pour la famille ! je ne compte plus !

Cet accueil pour le moins ambigu se normalisera le lendemain. J’ai fait des connaissances et lié des amitiés avec les militaires musulmans par la suite, jusqu’au cessez-le feu et l’indépendance qui nous ont séparés.

 

Pour la petite histoire, on m’a affecté ce soir-là un lit… dans le grand garage (ambulances et autres véhicules) où nous étions plusieurs à respirer les effluves de gazole en guise de somnifère. Rapidement, mes affectations plus « nobles », dont le standard en premier, puis le secrétariat du Médecin-chef, m’ont offert plus de confort ! De bons souvenirs !

 

Seul point noir : le commandant, qui avait une peur panique d’une attaque de l’hôpital par des forces hostile et qui multipliait les gardes de nuit… dans les buissons qui entouraient nos bâtiments. Des « cupressi » parait-il, dont l’odeur sylvestre nous aidait à supporter la position debout interminable, arme à l’épaule.

C’était… hier,  mon commandant !

 


03/07/2022
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La guerre ? Tu crois ?

 

Les nouvelles que me délivre mon poste-radio au réveil ce matin ont ravivé un souvenir d’adolescence et de jeunesse : ma mère, je vois son visage anxieux, j’entends sa voix un peu sourde, comme s’il ne fallait pas trop ébruiter la chose. Nous étions en période de guerre froide et des incidents dans les rapports internationaux étaient fréquents, certains n’étaient plus des incidents comme en 1968 l’écrasement du printemps de Prague, mais aussi, pour elle,  les révoltes étudiantes dans les rues de Paris en mai de la même année. Ma mère me disait alors : « Tu crois qu’il va y avoir la guerre ? » ; je répondais : « Mais non maman, pas chez nous, pas en France ! »

 

Maman était née 3 ans avant l’ouverture du premier conflit mondial. Son père était parti au front, fier de son uniforme de « Dragon ». On m’a dit qu’il n’avait pas trop souffert de la guerre mais un infarctus l’avait terrassé encore jeune, plus efficacement que  la « grande guerre ». Je ne l’ai pas connu. Maman s’est mariée en 1939. Juste le temps de me mettre en route, et Papa, partait à la deuxième guerre mondiale : 10 mois de guerre, 5 ans de captivité. Le temps de mettre mes sœurs en route et la séparation. La guerre y est pour quelque chose. Puis en 1960 c’est moi qui pars en guerre- d’Algérie- : 12 mois en France, 12 mois en Algérie. J’ai donné à Maman toutes mes cigarettes de l’armée (j’avais cessé – provisoirement – de fumer)… J’en suis revenu avec l’amour de ce pays.

 

Ce matin, 24 février 2022, Maman m’aurait dit ; « Tu crois qu’il va y avoir la guerre ? » Je lui aurais peut-être répondu : « Tu sais, je crois qu’on l’a déjà faite ! » Ou : « Peut-être, mais pas chez nous, je crois ».

La guerre ? Tu crois ?

 

 

 


24/02/2022
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23 avril 1961 (aujourd’hui je suis sérieux)

 

Nous sommes aujourd’hui le vendredi 23 avril 2021. Comme le temps passe ! Il y a 60 ans exactement : j’ai 20 ans exactement ; je suis « sous les drapeaux » depuis 5 mois, infirmier mais pour l’heure secrétaire au deuxième bureau de la Direction générale des Services de Santé des Armées, au premier étage des Invalides (quand vous regardez Napoléon, derrière lui à gauche).

Depuis quelques jours on parle d’évènements graves en Algérie, un « putsch » ! Mais notre information est plutôt vague. Nous savons bien sûr que de Gaulle envisage l’autodétermination des algériens dès que la situation le permettra. La guerre persiste. Nous sommes appelés à y participer, dans un mois, deux, trois ou plus. 28 mois de service militaire. Nous savons que l’unanimité n’est pas faite sur cette autodétermination ; pas tellement en France où 75% ont dit oui au référendum de janvier 1961, mais « là-bas » dans la population qui vit en Algérie. D’où le putsch contre l’ « abandon » de l’Algérie.

 

Ce dimanche 23 avril au soir, je suis comme on dit « de garde » aux Invalides. Chaque soir nous sommes deux à y passer la nuit. C’est un marin qui passe cette nuit avec moi, en tout bien tout honneur ; je ne le connais que de vue, il est secrétaire comme moi mais dans un autre couloir ou étage. Notre garde consiste à dormir sur un lit de camp jusqu’au petit matin. Et cette nuit il ne se passe rien. Enfin dans notre bureau-chambre à coucher. Nous entendons plus que de coutume les bruits de la rue, notamment des roulements de ce qui semble de poids-lourds. Des roulements continus. Mais nous avons dormi tranquillement.

 

C’est lundi que nous apprenons d’abord que de Gaulle avait fait un grand discours (on se rappelle : « un quarteron de généraux en retraite » ; « hélas, hélas, hélas » ;  « françaises français aidez-moi ! ») ; et que Michel Debré, premier ministre, voulant relayer de Gaulle en dramatisant maladroitement comme toujours, avait appelé à aller occuper les aéroports, craignant l’irruption de parachutistes putschistes fantômes, au point de bloquer les rues et les routes d’Ile de France ! Et nous n’avions entendu que des ronflements de chars dans Paris !

Notre patron, un médecin-général corse, attendra quelques jours, avec prudence, avant de faire allégeance à de Gaulle. On ne sait jamais.

 

C’est de ce jour je crois que date le début de ma conscience politique sur le conflit algérien, que j’irai rejoindre 7 mois plus tard, pour un séjour de 12 mois. Algérie que j’ai aimée au point d’y retourner seul, avec Maudy, avec les enfants jusqu’aux années noires… (1991-2002).

Mémoire, quand tu nous tiens !

 


23/04/2021
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