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Une histoire vieille comme le monde

Frère Dominique, Inquisiteur de l’Hérésie, s’adressa solennellement à la jeune femme – une trentaine d’années, au plus – debout devant lui, les poignets serrés dans une corde, la chevelure rasée, nue sous une chemise de lin gris en partie déchirée. « Dis-nous : qu’était le Paradis Terrestre avant la faute de nos premiers parents ? » La réponse fusa : « Un enfer ! » Dominique eut un haut-le-corps sous sa robe de bure et cria : « Tais-toi, sorcière maléfique, c’est Satan qui parle par ta bouche ! Ne sais-tu pas, selon les Ecritures, que nos parents pouvaient jouir librement du paradis, à une seule condition : ne pas manger du fruit d'un seul arbre, l'arbre de la connaissance du bien et du mal ?» - « Non mon frère, reprit calmement la jeune femme. Au Paradis Terrestre, il n’y avait ni homme ni femme, ou plutôt l’un était l’autre et l’autre était l’un. Au Paradis Terrestre, le temps n’existait pas ; il n’y avait que Dieu pour dire ‘premier jour, deuxième jour... septième jour...’ Adam et Eve étaient figés dans une sorte d’éternité, immortels sans le savoir, puisqu’ils ne connaissaient pas la mort. Au Paradis Terrestre, rien n’était beau puisque la laideur n’existait pas ; tout était fade ; nos premiers parents paressaient devant des natures mortes.

Heureusement, il y eut la Femme, Havvah, ou Eve si tu veux, que l’on appelle ‘la mère de tous les vivants’. A-t-on jamais appelé Adam ‘le père de tous les vivants’ ? Havvah, dans un grand cri de souffrance et de jouissance, le serpent enroulé autour de ses reins, a mis au monde... le monde ! Elle a enfanté les sexes et avec eux le désir et la jouissance ; elle a enfanté le temps en enfantant la mort ; elle a ainsi enfanté l’histoire, avec un avant et un après pour donner le sel au présent ; elle a enfanté le beau et le laid ; elle s’est mise au travail et a inventé la magie des plantes ; elle a enfanté la connaissance et donc la transgression, à la face de la toute puissance du Père. Havvah, oui, la Grande Sorcière, la Femme qui a volé la vie au gardien jaloux et ouvert la clôture du Jardin ! »

« C’est en est trop, hurla Dominique hors de lui. Sept démons vomissent de ta bouche des insanités. Hérétique tu es, femme, toi par qui le péché a fait entrer la mort dans le monde. Ta sentence est écrite : tu mourras par le feu ! Et ce livre aussi dans lequel tu figures anonymement depuis quelques instants sera brûlé ! » « C’ est bien ainsi, dit calmement la femme. Et c’est pourquoi, mon frère, tu brûleras avec

moi".

                Résultat d’image pour la diabolisation de la FEMME. Taille: 132 x 185. Source: www.editions-harmattan.fr

 

Prologue du livre : « La diabolisation de la femme, on brûle une sorcière » Alain Piot, L’Harmattan 2009.

 



07/07/2023
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